De nos jours, elle est partout. Dans les tribunaux, les hôpitaux, les chantiers pour les costauds et sur les motos. Après des siècles de patriarcat, la femme a su s’imposer et trouver sa place dans la société. Mais sur une moto, où se trouve la place de la femme? Nous allons tenter d’y répondre.

Lors de ma micro enquête dans un bar-tabac du fin fond de la Normandie, deux réponses revenaient allègrement :

  • Bah! Sur la selle, derrière le motard! Ha ha ha!
  • Les femmes aux fourneaux, les hommes à moto! C’est bien envoyé ça Bébert!

Ma première journée d’investigation dans ce bistrot m’a valu une gueule de bois, cent euros de « C’est ma tournée négérale! » et un retour dans les années 70. Heureusement, les mentalités ont changé, mais il faut bien admettre que la moto a longtemps été apparentée à l’homme. Aujourd’hui, les vidéos sur les motardes sont légion sur internet. J’ai visionné les archives de l’INA et avant les années 2000, les reportages de motardes se comptent sur les doigts de la main droite du pilote du TT (Tourist Trophy) Etienne Godard. De plus, les questions posées par les journalistes sont affligeantes. De nos jours, la repartie des jeunes femmes semble tout à fait normale. Remise dans le contexte soixante-huitard, il faut reconnaître qu’elles étaient des guerrières.

Le premier qui s’intitule Werthère motorisée date de décembre 1968. Les prises de vue sous différents angles montrent Arlette qui envoie du bois sur une Honda 450. Elle explique que ce n’est pas une novice et qu’elle a déjà acheté et revendu une BSA, deux Triumph, une Vélocette et enfin la Honda qu’elle amène au garage car de l’huile sort du pot et de la fumée du reniflard. Le reportage se termine sur une pensée de la jeune Arlette concernant un film documentaire sur la moto : « Il y a une fille qui fait des scènes de moto et de lit dans le film. Par respect pour la moto, elle aurait pu rester sur le lit ».

Sur Facebook, je me suis arrêté quelques instants sur le côté de la vidéo pour regarder une partie des 950 commentaires. Je ne vais pas les lire tous, car le niveau n’atteint pas des sommets. Manifestement, beaucoup disent que les motardes leur montent au nez, bien entendu, jeux de mots exprimés en passant la seconde. Au milieu de tous ces messages sans grand intérêt pour le monde de la moto féminin, un mec a lancé : « Petite précision mesdames, une moto ne se conduit pas, elle se pilote ». J’avoue que je ne m’étais pas posé la question. Danièle a pris le mâle par le casque et lui a rétorqué dans un langage que l’INA doit consentir comme une forme d’information : « Va piloter ta bite ». Manifestement, il y a de la testostérone dans les deux sens et cela ne fait pas avancer le débat.

Je quitte Paris et je me dirige quelques années plus tard vers le Touquet, où un journaliste a eu la riche idée de parler d’un défilé de mode motorisé. Deux minutes et vingt-quatre secondes de femmes au guidon de superbes machines. Le commentateur se gargarise : « Et oui, tout le monde y vient à la moto. Nous y sommes peut-être pour quelque chose à Auto-moto1 ». Les cinquante dernières secondes, le caméraman s’est pris pour Le louche. Christine, vêtue d’un… Je regarde plus attentivement. Oui, c’est ça, Christine ne porte qu’un slip rose sur une Honda 500 chopper. Elle manie admirablement le grand guidon, plaçant la roue avant là où elle le veut dans le sable. J’avoue que je n’aurais pas fait mieux. Je porte très mal les dessous roses et je suis fragile des pieds. Car oui, Mademoiselle passe avec aisance les rapports avec ses petits doigts de pied.

De retour à Paris, je retrouve un dandy qui explique que les femmes ne trouvent pas la moto agréable au -delà d’une certaine vitesse. Il est écarté rapidement de la route par la chanteuse Dani qui le contredit et nous explique que c’est un vrai sentiment de liberté de pouvoir quitter son logement des Champs-Elysées pour rejoindre Pigalle en dix minutes. Dani est libre, sur sa Honda 125, sans casque mais avec des gants de cuir noir.

Je reste dans les bois parisiens, à une époque où les accidents, les traumatismes crâniens et les brûlures sur la peau n’existaient pas. En tout état de cause, les Motesses ne sont pas concernées par ces détails. En T-shirt, short en jean et bottes de cuir rouge sur la selle, elles font de petites acrobaties. Une femme élégante présente sa troupe qui offre des prestations de service pour la promotion des entreprises. Elles ont entre 18 et 29 ans. Elles doivent être grandes et jolies et bien entendu présentables pour le public. Elles sont toutes propriétaires de leur moto qui vont de 500 à 1000 cc.

Voilà, voilà, voilà… J’ai fait le tour et vous avouerez que c’est un peu léger. J’ai le sentiment que les médias de l’époque méprisaient les femmes qui n’avaient pas envie de rester derrière les fourneaux et s’occuper des mioches en attendant que monsieur rentre du boulot.

Aujourd’hui, la place de la femme est belle et bien sur la selle de la moto avec les genoux collés au réservoir. Comme Sarah Lezito, elles peuvent aussi monter sur le réservoir, passer par-dessus le guidon, bref, elles sont libres de faire ce qu’elles veulent. Les reportages du XXIème siècle ne nous apprennent pas grand chose de plus, excepté qu’il existe maintenant des tenues et des accessoires de couleur rose et que peu (pas assez) d’entre elles font de la compétition. Le masculin ne doit plus l’emporter et nous ne devrions plus nous étonner de voir des filles sur des gros cubes. Alors messieurs les journalistes, laissez la place aux femmes dans les rédactions et les productions d’émissions de télévision auto-moto. Les reportages des motardes réalisés par des femmes seraient certainement plus aboutis. Enfin, je ne sais pas si c’est le Covid qui a eu raison de l’émission V6 qui était présentée en première version par Margot Lafitte, mais sa fraîcheur et son professionnalisme manque terriblement dans ce parc auto-moto visuel testostéroné. Pour revenir à la moto, il y a aussi Aurélie Hoffman, emmenée par une bande de mecs sympas de moto-club sur automoto la chaîne.

La présence des présentatrices de mécanique en tout genre reste très confidentielle. Il est de bon ton de rappeler que la gent féminine, toute proportion gardée, est beaucoup moins sujette aux accidents que les hommes. Alors, traitons les motardes d’égal à égal et laissons-leur enfin la place qu’elles méritent sur nos routes et dans les médias.

La phrase du jour :

Les motardes de Dijon sont les meilleures. Merci Gérard.