En 1989, j’ai fait l’acquisition de ma première voiture, une Peugeot 304 cabriolet de 1973. Agée de 26 ans, elle ne croisait déjà plus beaucoup d’autres consoeurs de sa génération sur les routes. En ce qui concerne la mécanique, je n’ai jamais eu de gros problèmes et mon mécano arrivait à trouver les pièces courantes pour l’entretien. On pouvait encore dénicher quelques lionnes dans les cimetières, des familiales, car les coupés et cabriolets ayant survécus aux affres du temps entamaient une hibernation dans les garages. C’était le temps des p’tites jeunes appelées aujourd’hui les young timer. Après plusieurs années de bons souvenirs et loyaux services, entendez par là un petit coup de pouce pour la drague, j’ai attaqué une restauration entière. La vie de l’auto a été un magazine d’une grande aide pour mener à bien cette entreprise. Je me souviens avoir monté un moteur à embrayage à câble alors qu’à l’origine, cela devait être un embrayage hydraulique. A cette époque, il n’y avait pas encore de forum performant comme celui de l’amicale 204/304 ou des sites spécialisés pour t’aider à dénicher des pièces introuvables ou t’expliquer que tu n’étais pas obligé de tout démonter, chose bien entendu que j’ai faite pour un nouveau moteur. Aujourd’hui, j’ai renoué des liens forts avec le modèle 304 mais en version break. Le forum m’a été d’une grande aide et on sent que ses adhérents sont très actifs. C’est ainsi que j’ai été surpris par un article : Les premières 204 à petits feux. Mais quelle est donc cette secte, cette niche, dans laquelle se sont engouffrés des centaines de lecteurs. On peut lire le nombre de visiteurs (18340) et le nombre de réponses au sujet lancé est de 247 (204.free.fr). Donc, qu’ont-elles de plus que nos voitures ces petites populaires, première traction avant de la marque qui a été la plus vendue en France en 1969, 1970 et 1971. L’idéal est de juger sur pièce et par chance, je connais un ami qui en a une.

L’antique qui sort du garage est toute verte. J’entends déjà les cris venant des sectaires. Je ne veux en aucun cas insulter cette mignonne à la bouille chromée, « antique » étant le code peinture. Je me dirige aussitôt à l’arrière pour constater avec soulagement que les petits feux sont bien en position. Alain me confirme qu’elle fait bien partie des premières sorties en 1965 et 1966. Et devinez quoi? Au moment où j’écris cet article, elle fête ses cinquante cinq ans aujourd’hui. Le carnet d’entretien pris en photo en atteste. La ligne est sobre, sans fioriture. Le plastique poussera le chrome de la calandre et s’imposera par la suite sur les buttoirs de pare-chocs avec l’arrivée des feux arrières plus grands, d’où l’intérêt pour ces premières versions encore pures.

Mon break 304 paraît plus cossu à côté, alors que c’est la même caisse. A l’intérieur le tableau de bord est plus dépouillé mais l’essentiel est là. Le volant en bakélite orné du blason du lion est tout simplement magnifique. Je résiste souvent à l’envie d’en acheter un mais je crois qu’il ne serait pas approprié pour l’intérieur de la 304, qui est manifestement plus moderne. Ce qui me surprend le plus est l’inclinaison du volant. Dans la 204, il est plus à « plat ». Treize ans séparent les deux cousines et pourtant ce détail démontre que l’on a fait un bon dans le temps. De 1965 à 1980, Peugeot n’a eu de cesse de modifier les modèles 204 et 304 avec des modifications esthétiques, parfois mineures, mais aussi dans le compartiment moteur. J’en ai fait les frais à deux reprises, la première étant citée plus haut et la seconde lors du changement du moteur du break. Les références semblaient les mêmes et pourtant, j’ai dû modifier la pipe au niveau du carlostat. J’en viens à expliquer à Alain, ancien mécanicien chez Peugeot, le changement du moteur de mon cabriolet, il y a bien longtemps maintenant. Il m’a raconté qu’à une époque, il y avait des fuites récurrentes au niveau des émetteurs et récepteurs d’embrayage et qu’il avait eu l’occasion de transformer le système avec un câble. Peugeot avait prévu un kit pour cette modification. Malheureusement, je ne connaissais pas Alain à l’époque et j’avais été plus radical en changeant le moteur. La petite morale de l’histoire est que les forums doivent être jumelés avec le contact humain. Avec cet article, je rentre par l’entremise d’Alain et son antique dans le cercle fermé des Peugeot 204 à petits feux. Comme lui, je dégourdis les jantes de mes voitures une fois par semaine. Elles font parties de ces véhicules simples et sobres dépourvus de fioritures électroniques. Et cerise sur le Paris-Brest, elle n’ont pas finies de faire tourner la tête des gens au bord des nationales.

Le détail : Le neiman avec ses jolies inscriptions gravées.