Je me balade sur le petit écran avec ma télécommande et je m’arrête à Paris… première, émission culturelle où le bobo parisien vient donner son avis sur l’actualité artistique du microcosme capital »e ». Capital car ils considèrent leurs commentaires comme paroles d’évangile. On sent quelques relents soixante-huitard avec une atmosphère plus fumiste que celle enfumée de Droit de réponse de Michel Polac. Avant de noircir l’écran par manque d’intérêt, je suis estomaqué par une phrase de Christophe Bourseiller, acteur de dixième rôle dont on se souvient pour la réplique culte dans Un éléphant, ça trompe énormément –  » J’aime vos seins… enfin, surtout celui de gauche » :

  • Je suis désolé, mais je ne peux pas donner mon avis sur cette bande dessinée car j’ai toujours trouvé cet art mineur.

Uderzo, Franquin, Hergé et consorts se sont tous retournés dans leur tombe. Comment peut-on dire ce genre de chose sur petit écran? Les médias et ceux qui les font, l’éducation nationale et les soi-disant bien pensants ne jurent que par Proust et autres classiques qui, pour ma part, me font mal au crâne. J’ai essayé à plusieurs reprises de me plonger dans A la recherche du temps perdu. Imaginez un instant : Vous êtes en train de lire une phrase qui fait une demie-page. Vous êtes un peu fatigué, perdu dans la prose, vos yeux deviennent lourds et… vous êtes obligé de revenir au début de la phrase. Je rappelle que la trilogie fait mille pages. Quand j’ai demandé à ma libraire préférée ce qu’elle avait pensé de mon premier roman, elle m’avait avoué que mon style pouvait être un peu lourd du fait de quelques phrases longues. Ni une ni deux, je lui rétorque que l’on nous rabat les oreilles avec Proust depuis des décennies et que je trouve que c’est du temps de perdu. L’impertinente ose me dire que Proust écrivait particulièrement très très bien. Je ne suis pas susceptible, ou presque, donc j’en conclue que j’écris très très mal. J’ai croisé un jour un type qui s’était donné comme mission de lire les mille pages. Il m’a avoué avoir souffert les cinq cent premières pages… Il lui en restait cinq cent à lire. J’appelle cela du masochisme. Cependant, il pourra se targuer d’avoir lu Proust et en parler des heures, une tasse de thé à la main, petit doigt détaché oblige, au milieu d’une ribambelle de fans.

Je suis un adulte qui fait à priori ce qu’il veut et par conséquent qui lit ce qui lui fait envie. J’ai toujours lu, pas spécialement des romans, mais beaucoup de magazines sur divers sujets, photo, auto bien entendu, etc… J’aurais voulu qu’au collège et au lycée on nous donne vraiment l’envie de nous plonger dans les livres. Le problème est que trente ans plus tard, rien n’a été fait dans l’éducation nationale en ce sens. Il y a deux ans, ma fille était au collège en classe de 4ème et elle est revenue un jour avec le chien jaune. Pas celui du proviseur, mais celui de Simenon. Franchement, à cinquante ans, je n’ai pas envie de lire les histoires de Maigret car je trouve cette atmosphère triste et totalement désuète. Si vous voulez que nos enfants lisent, il faut s’intéresser à ce qu’ils veulent vraiment. La réponse des professeurs est sans appel : Le chien jaune fait partie du programme donc nous n’avons pas le choix. Pensée du père : Je ne crois pas qu’il soit interdit de proposer un livre aux élèves, cependant, cela donne plus de travail au professeur qui devra un peu plus travailler en proposant des questions en rapport avec le texte. Alors que pour le chien jaune, le boulot est déjà fait,. Circulez! Y’a rien a faire.

Alors, cher Christophe Bourseiller, il faut voir dans la bande dessinée une façon détournée d’intéresser les cerveaux de nos petites têtes blondes à la littérature. Ne pas se pincer le nez non plus quand votre gamin vous demande d’acheter des mangas. A l’intérieur, il y a des bulles dans lesquelles il y a des lettres qui font des mots. Attachés, tout cela fait des phrases. Ainsi, j’invite tous les passionnés de Proust à mettre en avant la bande dessinée car sans elle, beaucoup de gens n’auraient jamais voulu progresser dans la littérature et la dévorer comme une madeleine.

Notre ami Uderzo nous a quitté en 2020. Peu avant sa mort, j’ai vu un reportage le concernant. En 1977, quand son partenaire René Goscinny est décédé, il a écopé de la double peine. Il venait de perdre un frère et l’ensemble des médias annonçait la mort des rebelles Gaulois. Pour ceux qui douteraient encore que la bande dessinée est un art à part entière, il faut écouter les remarques semées tout au long du reportage. Uderzo ne faisait jamais dans la facilité. Des vues de trois quarts, des plongées et contre-plongées, l’interprétation des mouvements, rien n’était laissé au hasard. Un coup de crayons et des perspectives très affûtées ont permis de mettre en valeur les scénarios de Goscinny et inversement. Vous comprendrez la tristesse de ce monstre gentil de la B.D. Cela ne l’a pas empêché de créer un empire. Il est fou ce Bourseiller!

Ainsi, au travers de cette rubrique je vous parlerai de ces dessinateurs au grand coeur et pour la plupart amoureux des belles voitures.